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journal de la commune

tremarches, d’exposer leur vie ou quelque membre pour les beaux yeux de la Commune. Ces braves gens disparaissent en masse, s’éclipsent en foule sous mille prétextes ou mille déguisements : ils vont, disent-ils, approvisionner Paris, chercher des viandes, des légumes, des farines, ils sont appelés au dehors par des affaires urgentes de famille ; et on les laisse partir sans trop de difficulté. D’autres s’en vont pêcher sur la Seine, un bateau mollement soulevé par le flot en emporte une demi-douzaine ; d’autres partent déguisés en bouviers, maraîchers, conducteurs ou employés de trains, en dames ou en vieillards à perruque. Arrivés à Versailles ou dans quelque bonne ville de province, ils décoiffent le toupet ou le chapeau à fleurs, prennent un air crâne et racontent au ruraux que la Commune avait mis leur tête à prix, ce dont les ruraux s’émerveillent. On évalue à quelques milliers par jour ceux qui désertent ainsi le foyer des révolutions pour des climats plus pacifiques… Cependant les bourgeois qui restent sont peu ou point inquiétés du chef de la garde nationale et, soit dit entre parenthèses, on n’entend pas depuis quelque temps qu’aucune arrestation ait été faite de suspects à détenir comme otages. Le décret Cluseret est donc jusqu’à présent à peu près nul et non avenu pour les jeunes riches et tout ce qui appartient à la classe bourgeoise. La Commune est parfaitement avisée en ne les enrôlant pas de force dans les rangs où ils jetteraient la discorde et le mécontentement en attendant le moment de la trahison. Par contre elle est très rigoureuse à l’endroit des prolétaires, des jeunes prolétaires, auxquels elle dit à bon droit : C’est votre cause que vous avez à défendre, car c’est le prolétariat et pas autre chose que tous les monarchistes amalgamés bombardent dans Paris.

Le Rappel critique la loi en d’excellents termes :

« S’il s’agissait encore de la guerre prussienne, nous serions énergiquement pour l’arrêté du délégué à la guerre. Nous le trouverions à peine suffisant, et nous demanderions la levée en masse. Personne, en effet, n’a le droit de se soustraire à la défense du pays, et contre l’étranger le devoir est absolu. Mais quand au lieu de France contre Prusse, c’est France contre France, quand c’est la patrie déchirée en deux qui se frappe elle-même, comment forcer des