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l’art et la morale

son développement hygiénique et esthétique, et à l’étude fructueuse des artistes.
ève
par les frères Van Eyck,
Jean, 1390-1440.
(Musée Royal de Bruxelles)
On ne peut devenir sculpteur qu’après avoir longtemps contemplé les formes en leur infinie diversité, qu’après avoir compris par une longue habitude le jeu souple des muscles, la succession rythmique des mouvements, qu’après avoir découvert l’unité de la personne humaine, le lien secret qui existe entre le modelé de chacune des parties du corps et le caractère moral de l’individualité créée par l’imagination artistique. Encore il est nécessaire que cette appréciation des corps, vivant dans la plénitude de leur vie, se fasse en des conditions de liberté complète, non par une suite de surprises ou bien dans l’atelier où des êtres habitués à une pose de convention se vendent à tant la séance. Peut-on faire de l’art véritable lorsqu’on cherche à reproduire les contours de « modèles » qui sont conscients du sentiment d’opprobre que les traditions et le milieu attachent à leur occupation et, par le fait de cette hostilité, ont acquis une mentalité spéciale. La nudité ne peut être parfaitement belle que si l’être humain est ignorant du mal, ou bien, si par une parfaite et noble connaissance des choses, il ne s’est élevé à la pureté de l’âme et de la vie. Seule, une profonde évolution morale, provenant d’un changement complet du milieu, pourra donner aux hommes cette liberté nouvelle.

La question des vêtements et de la nudité est certainement celle qui a le plus d’importance à la fois au point de vue de la santé physique, de l’art et de la santé morale : aussi est-il nécessaire de préciser ce que l’on pense à cet égard, car le temps est venu de ne plus reculer devant aucune discussion. C’est là une conquête récente de la liberté