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l’homme et la terre. — internationales

tiques de l’exterminateur hébreux Josué et du tortureur Torquemada. Dans les temps modernes, pourtant féconds en horribles représailles, comme tous les âges de l’humanité oscillant du bien au mal, il est peu d’incidents aussi abominables que l’ordre militaire du général Smith, condamnant à mort tous les mâles de l’île Samar, âgés de plus de dix ans !

Ainsi, au commencement du vingtième siècle, la république nord-américaine s’est jointe aux autres grandes puissances dans la triste solidarité de la politique agressive, créatrice de mésintelligences internationales, et s’accoutume à l’idée de guerres nouvelles. Et pourtant, l’ensemble des peuples civilisés est actuellement réparti d’une manière assez étroite sur le globe rapetissé pour qu’il subisse les mêmes ébranlements, participe aux mêmes mouvements d’opinion et tende à s’administrer d’après des principes communs. Contrairement à cette tendance, mais s’y soumettant en apparence puisqu’on ne parle plus du « concert européen » mais du concert mondial, les divers grands États, obéissant à leurs traditions de rivalité et de haine, continuent leur ancienne politique de conquête et d’annexion, de privilèges et de monopoles, cherchent même à dresser des murailles de Chine le long de leurs frontières et n’abdiquent nullement le vieux droit d’oppression et de massacre sur leurs sujets. On a vu la Porte faire tuer méthodiquement plus de 300 000 Arméniens, dont elle redoutait l’intelligence hâtive et l’esprit trop affranchi ; on a vu la Russie assister complaisamment à ces horreurs, les faciliter même, peut-être parce que ses régiments n’auraient aucune peine dans un avenir prochain à occuper une terre sans habitants suspects d’esprit révolutionnaire ; on voit enfin chaque gouvernement se réserver de continuer chez lui, selon les circonstances, des agissements de toute nature, si blâmés qu’ils soient par l’opinion du monde entier. Cependant, au-dessus de ces nations et de ceux qui les régissent, apparaît déjà, et de plus en plus nette, une image plus grande, celle du genre humain se constituant en organisme unitaire.

N’est-ce pas déjà un fait d’importance capitale dans l’histoire que presque toutes les nations policées de la Terre se soient associées en « Union postale Universelle » pour le transport, à travers les continents et les mers, des lettres et documents écrits, des imprimés et papiers d’affaires aussi bien que des échantillons de commerce, enfin pour le paiement de petites sommes d’argent, et cela pour un prix