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l’homme et la terre. — internationales

et, sur mer, sa flotte, dont elle espérait beaucoup, fut en partie détruite et dispersée dans L’Adriatique, près de l’ile de Lissa. C’est alors que l’Autriche, ayant complètement sauvé du côté de l’Italie son prestige militaire, mais obligée quand même de ramener son armée au delà des Alpes pour couvrir sa capitale contre la Prusse, se lira d’embarras par un coup de théâtre, en cédant la Vénétie à son allié Napoléon III qui, à son tour, la remit à Victor-Emmanuel, sous réserve d’une acceptation par le suffrage populaire. Après diverses simagrées diplomatiques, destinées à transférer à la Prusse le mérite de la cession, l’ancien royaume de Piémont, arrivé aux limites naturelles de la Péninsule, put enfin arrondir son domaine jusqu’à l’hémicycle des Alpes : l’Italie était achevée au point de vue géographique, bien que toujours incomplète si, en pareille matière, la politique obéissait au vœu des populations, car il est certain que, dans le Tirol méridional et en Istrie, les citadins de langue italienne seraient en très grande majorité désireux d’entrer dans l’unité péninsulaire.

Provisoirement, la garnison française continuait de protéger le pape contre l’entrée des troupes d’Italie dans la ville de Rome, mais qui ne pressentait combien cet entêtement était contraire aux nécessités de l’histoire ? Dès que la guerre franco-allemande eut manifesté la supériorité de la Prusse, le gouvernement italien s’empressa d’occuper tout le territoire de Rome, province et ville, « afin d’assurer l’indépendance spirituelle du pape » (20 septembre 1870). L’ironie était un peu forte ; mais que restait-il à faire à Pie IX, sinon à se soumettre et à prononcer l’excommunication majeure contre l’envahisseur ? Précisément un concile venait de se réunir au Vatican pour voter l’infaillibilité du Souverain Pontife. Il était dans la logique des choses qu’à la suppression effective et totale du pouvoir temporel correspondît l’exaltation du pouvoir spirituel. Devenu le « prisonnier du Vatican », le pape s’élevait au rang des dieux.

A la même époque l’Espagne se débattait dans une crise de naissance et d’adaptation aux idées modernes. En 1868, un mouvement général de dégoût, causé par les intrigues et les mœurs de la cour, avait abouti à l’expulsion de la reine Isabelle au moment même où elle s’alliait étroitement avec Napoléon et le pape pour assurer le maintien du pouvoir temporel de l’Eglise.

Quoique la révolution eût porté à la dispute du pouvoir toute une