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destinée des aborigènes américains

par les marchands d’esclaves. En 1860, à la veille de la guerre civile qui devait éclater entre les deux moitiés de la république nord-américaine, on comptait près de quatre millions de noirs et métis aux États-Unis, c’est-à-dire plus de dix fois le nombre des anciens propriétaires du sol. Les quatre cinquièmes des gens de
Cl. P. Sellier.
une rue à bahia
couleur étaient des esclaves, et l’on comprend que ce cheptel humain n’ait pu exercer aucune influence directe sur la nation ambiante composée de blancs, Européens par l’origine ; mais les nègres libres, eux-mêmes se trouvaient complètement en dehors de la société des citoyens de race pâle, soit par leur condition de basse clientèle et de pauvreté, soit par la répugnance instinctive et plus encore religieuse ressentie contre les « enfants de Cham ». Ils étaient, pour ainsi dire, perdus dans l’espace, puisqu’ils restaient « taboués » dans leur pays de résidence et que le brutal enlèvement de leurs ancêtres avait rompu leur lien avec la patrie d’origine. De quelle partie de l’Afrique venaient leurs pères ou leurs grands-pères ? Quels avaient été les lieux d’étape depuis le jour de la capture ? Ils l’ignoraient.

Même entre les Antilles, qui sont par la population la véritable Afrique du Nouveau Monde, et la terre ancestrale, située à l’est de