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l’homme et la terre. — nationalités

fatales impasses. Egalement absurde et contradictoire fut le moyen employé pour étouffer cette révolution : à son mensonge, on opposa un autre mensonge, puisque la république française, ou du moins l’Etat hybride qui en portait le nom, revendiqua l’honneur de renverser la république romaine et de rétablir le régime papalin avec toutes ses vengeances à satisfaire : encore une fois, la France fut « le soldat de Dieu » suivant l’ancienne tradition ecclésiastique. Il est vrai que pour faire ce bas office de gendarme de la papauté, le gouvernement français eut préalablement à réprimer une insurrection dans les rues de Paris ; mais le peuple, épuisé par la lutte de l’année précédente, n’avait plus le cœur à la bataille, et, transportées devant Rome, les troupes françaises, enrégimentées au service de Pie IX, purent, grâce au petit nombre des réels défenseurs de Rome, écraser les chemises rouges de Garibaldi.

Complètement déshonorée, la république française n’avait plus désormais qu’à sombrer dans sa honte : elle se détruisait elle-même en détruisant la république-sœur, et bien inutilement puisque l’influence de l’Autriche devint toute maîtresse. La France eut à fournir l’argent et les hommes au profit de l’antique camarilla autrichienne. Quant au pape, remis en possession viagère de ses Etats, il comprit, avec le sens profond des choses qu’inspire le pressentiment de la mort, que le moment était venu de proclamer solennellement, sans la moindre atténuation de langage, la parfaite incompatibilité de l’Eglise avec la société moderne. Désormais guéri de ses illusions premières, le « Souverain Pontife » vengea d’abord très amplement les injures faites au Saint-Siège, puis s’en tint strictement aux principes de réaction absolue qui devaient trouver leur expression définitive dans le syllabus de 1864. Quoique obéissant à la loi du changement, qui est celle de toutes choses, le catholicisme a la prétention d’être d’un bloc, comme ces pierres noires que l’on adore dans les temples d’Asie. Il se dit et se croit immuable dans le passé, car le « Pontife romain ne peut ni ne doit se réconcilier ni transiger avec le progrès, le libéralisme et la civilisation moderne ».

L’œuvre de la réaction était achevée et préparait son code, d’ailleurs impuissant. La France, qui avait donné le branle au mouvement révolutionnaire, n’avait donc plus qu’à faire amende honorable en reprenant dans son passé une de ses constitutions antérieures. Un grand