Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome V, Librairie universelle, 1905.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
102
l’homme et la terre. — contre-révolution

Philomus, puis en Théssalie l’Hetaïrie ou « camaraderie fraternelle » qu’inspirait le poète Constantin Rhigas. En 1821 déjà des hétaïristes se soulevaient en Roumanie, comptant un peu sur le prestige de leur chef, le prince Alexandre Ypsilanti, qui était fils d’un hospodar valaque et général russe : peut-être espéraient-ils aussi l’intervention de l’empereur de Russie, auquel ils attribuaient l’ambition pieuse de vouloir reconstituer l’empire de Bysance. Mais la Sainte Alliance ne permit point aux souverains d’Europe de se commettre avec des révoltés, ceux-ci furent bientôt abandonnés de tous, aussi bien de leurs puissants alliés que de la population serbe et des paysans roumains qui, tout, en haïssant leurs maîtres turcs ou phanariotes, se méfiaient de leurs libérateurs, les patriotes philhellènes. Vaincus en bataille rangée, ces premiers héros de l’indépendance grecque n’eurent qu’à mourir. L’un d’eux se fit sauter dans un couvent avec toute sa bande.

Cependant des voix avaient répondu dans la Morée et dans les îles aux insurgés de la Roumanie. L’évêque Germanos avait appelé les Grecs aux armes, la Messénie s’était déclarée indépendante et, dans l’espace de quelques mois, une flotte de 180 petits navires, jouant à cache-cache dans le labyrinthe des Cyclades, enlevait les embarcations turques, harcelait la garnison des ports. A la fin de l’année 1821, les insurgés s’emparaient de Tripolitza, la capitale de la Morée ; une première assemblée nationale se réunissait dans Argos, puis à Epidaure, et les délégués trop pressés d’entrer dans le concert des États européens se donnaient un président ou proedros avec pouvoirs royaux, le prince phanariote Alexandre Mavrocordatos ; mais les Hellènes n’avaient pas encore donné assez de preuves pour que les grandes puissances adoratrices du succès leur fussent devenues favorables, et l’opinion publique, plus puissante que les États officiels, n’avait pas encore été suffisamment émue. La Porte eut le répit nécessaire pour organiser ses armées et ses flottes d’invasion, et manda le fils du vice-roi d’Egypte, Ibrahim-Pacha, qui pénétra dans la Morée à la tête de 20 000 hommes, dressés à la tactique européenne par des officiers français (1826). Les massacres et la dévastation furent horribles : la Morée devint une solitude, tandis que, de l’autre côté de l’isthme de Corinthe, la ville de Missolonghi, où s’étaient réfugiés des milliers de Grecs et de philhellènes, parmi eux le grand poète Byron, eut à subir un siège de près d’une année, qui se termina par une percée héroïque à travers l’armée des assiégeants et l’explosion d’une