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l’homme et la terre. — orient chinois

pétue sous forme de légendes bizarres qui se localisent autour d’un rocher à quatre pointes que l’on appelle le « trône » ou le « tombeau » de Salomon.

De nos jours, la seule voie carrossable de la région est celle qui, rendue nécessaire par les lois de la conquête et de la stratégie des frontières, recoupe normalement toutes les sentes parcourues par les commerçants et passe d’Och à Pamirsky-Post par-dessus trois rangées de hautes montagnes, les traversant du nord au sud à des altitudes de 3 540 (Alaï, col de Taldyk), de 4 270 (Transalaï, Kizil-Art) et de 4 682 (Ak-Baïtal)[1].

À l’est de Kachgar, d’autres voies, qui viennent des steppes du Turkestan occidental à travers ou par contournement des multiples arêtes du Tian-chañ, rejoignent la grande route des nations qui longe, sur un développement total d’environ 2 000 kilomètres, la base méridionale du grand système orographique. Cette route des migrations, dont le nom chinois Tian-chañ-nan-lu, c’est-à-dire le « Chemin sud des Monts Célestes », expose nettement la valeur historique, est souvent désignée dans les annales sous la dénomination de « Route impériale ». C’est en effet l’itinéraire obligé des peuples et des armées en marche entre la Chine proprement dite et l’amphithéâtre des monts que ferment les Pamir entre le Kuen-lun et les Tian-chañ. En cet énorme parcours, la Route impériale, interrompue vers l’est par des sables mouvants, des marais, des laves, des salines, se double de voies parallèles qui passent au nord entre les arêtes du Tian-chañ, orientées d’une manière générale de l’ouest à l’est. De savoureux pâturages remplissent les bassins intermédiaires, où des millions d’hommes, poussant devant eux des millions d’animaux, se réunirent parfois en de grandes migrations à travers l’Ancien Monde : chacune des vallées se continue de l’un à l’autre versant par un seuil, qui, suivant les avantages ou les difficultés d’accès, servit, pendant la période historique, de passage à des masses d’hommes plus ou moins considérables. Quelques uns de ces cols, redoutés à cause de leurs glaciers crevassés, de leurs neiges glissantes, ne sont visités que par de rares voyageurs : tel est le seuil de Musart[2], que domine à l’ouest le formidable Khan-tengri ou « Roi des cieux ». D’autres vallées invitent au contraire par

  1. Sven-Hedin, Dans les sables de l’Asie, p. 8.
  2. 3 330 mètres, d’après Kostenko ; Khan-tengri, 7 320 mètres.