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l’homme et la terre. — barbares

Goths qu’ils avaient fait compiler des lois romaines afin de gouverner leurs sujets d’après l’exemple de l’empire vaincu, et tel avait été leur zèle ignorant qu’ils maintinrent dans ce code (Lex Romana Wisigothorum) des dispositions injurieuses pour eux. On peut citer notamment la « loi d’Honorius » qui interdisait le mariage entre Romains et barbares[1].

De même les Burgondes, occupant alors le bassin du Rhône, de l’Oberland à la Camargue, s’étaient accommodés de leur mieux aux exigences de la majesté romaine. Après l’exode plus de deux fois séculaire et coupé de batailles et de massacres qui les avait amenés des bords de la Vistule à ceux du Rhin, ils accueillirent avec joie la chance de pouvoir entrer pacifiquement dans leur nouveau domaine, en respectant, conformément à la justice, les intérêts établis. Si pressées que fussent les tribus germaines de faire mugir leur cri de guerre dans le creux de leurs boucliers, elles préféraient pourtant, suivant la loi du moindre effort, recevoir gratuitement des terres en échange d’un hommage prononcé du bout des lèvres. Quant aux Alamans ou Alemannen, « gens de toutes races » qui poussaient les Burgondes et s’établirent dans la vallée rhénane, au sud du Main et de la Moselle, ils n’avaient pas eu à se faire concéder ces terres par la munificence de Rome ; ils les devaient au fer de leurs épées.

Les Francs, qui dans la succession des âges donnèrent aux Gaules le nom de « France » et aux Gaulois celui de « Français », n’occupaient au milieu du cinquième siècle qu’une infime partie du territoire maintenant désigné d’après eux. Ils étaient les maîtres des contrées que traversent le Rhin, la Meuse, l’Escaut dans leur cours inférieur, et pénétraient au sud dans le pays qui devint l’Artois. C’est pendant la seconde moitié du troisième siècle que les populations résidantes de la Belgique actuelle avaient vu ces bandes germaniques apparaître à l’ouest de la Meuse ; la première mention qu’en fasse l’histoire date de l’an 240. L’empereur Maximin, pressé de divers côtés par des ennemis, avait eu recours au moyen usuel en concédant aux Francs, devenus colons militaires, les parties non cultivées du pays des Morins et des Ménapiens ; la germanisation se fit jusque dans le voisinage de Boulogne[2] ; mais la côte n’avait point alors le dessin qui

  1. Godefroid Kurth, Les Origines de la Civilisation moderne, tome Ier, p. 338.
  2. H. Pirenne, Histoire de Belgique, tome Ier, p. 9.