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l’homme et la terre. — orient chinois

nom, Kizil-su, « Eau rouge », à cause des alluvions qu’elles entraînent. Le Kizil-su oriental entre dans la plaine à l’endroit où se trouve actuellement la cité de Kachgar, centre nécessaire de population, indiqué par sa position même comme lieu de rencontre entre les hommes. D’autres voies naturelles viennent y rejoindre celle qui emprunte la fosse de l’Alaï.

Suivant les va-et-vient des centres de puissance dans le monde occidental, le mouvement du trafic entre les deux versants asiatiques devait se porter de Kachgar, soit vers la vallée des « Eaux rouges », soit, plus au nord, vers Och, par un des cols qui relient le Ferghana ou haute plaine du Jaxartes au bassin du Tarim. Il semble que, pendant le cours de l’histoire, le chemin le plus fréquenté fût celui qui porte le nom turc de Terek-davan et dont le sentier va rejoindre la haute vallée du Kizil-su oriental. La richesse naturelle des campagnes du Ferghana ajoutait en cet endroit à la puissance d’attraction du commerce, et les annales s’accordent pour la plupart à décrire ce passage comme celui par lequel les soies de la Chine étaient expédiées de toute antiquité : si la route méridionale des Pamir peut être désignée spécialement comme la « Route du Jade », celle qui passe au Terek-davan est par excellence la « Route de la soie » ; de nos jours encore, bien que toutes les conditions du commerce aient été changées par les chemins de fer et les paquebots maritimes, les Russes importent des soieries chinoises par cette entrée des montagnes de l’Asie centrale.

La route de Terek-davan, qui, d’après Kostenko, ne dépasse pas 3 140 mètres au seuil le plus élevé (3 861 d’après Regel), est relativement si facile d’accès que, des deux côtés, dans l’empire russe et dans l’empire chinois, on a dû la barrer par des fortifications. Elle a pu servir dans une certaine mesure au passage des émigrants, puisque, lors de la conquête chinoise, au milieu du dix-huitième siècle, les soldats turcs de la Kachgarie s’enfuirent en masse par cette brèche des montagnes, mais sans pouvoir tous atteindre l’autre versant. Les cadavres s’entassèrent au milieu des neiges[1].

La ville d’Och, au bord d’un affluent du Jaxartes, doit à sa situation sur un chemin des peuples la gloire d’être considérée comme

  1. Ch. de Ujfalvy, Bull. de la Soc. de Géogr., juin 1878.