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unité de la foi

L’unité de foi fut proclamée dans l’empire : grand avantage pour les maîtres qui voulaient imposer à leurs sujets l’unité dans l’obéissance.

À la même époque, les rois de Perse avaient également obtenu par la persécution l’unité de la foi, du moins en apparence, dans leur religion officielle, le mazdéisme : les manichéens du royaume avaient été condamnés à la prison ou à la mort, peut-être Mani lui-même fut-il écorché vif. C’est ce qu’on appelait le « supplice persan » ; les peaux des suppliciés, emplies d’air ou de paille, étaient destinées à se balancer devant le palais des souverains.

La direction de la foi religieuse, qu’assumait désormais le gouvernement en donnant au culte un caractère officiel, impliquait aussi la direction de la morale : c’est-à-dire que le pouvoir tendait à prendre le rôle d’éducateur. Autrefois, sous la République, les censeurs veillaient à ce que chaque citoyen conformât sa vie aux mœurs générales et aux injonctions de magistrats, incarnation de l’État romain : cinq cents ans après, sous l’administration des fonctionnaires impériaux, alors que le scepticisme avait dissous les anciennes lois morales, les maîtres s’imaginaient qu’ils pourraient en dicter de nouvelles. L’État moderne, avec son prétendu rôle de Providence, se chargeant du bonheur des sujets et leur dictant conduite et pensées, était déjà né avant les Dioclétien et les Constantin. Pour la première fois, sous Vespasien, l’enseignement s’était rattaché vaguement à l’État. Les rhéteurs étaient devenus, sinon des fonctionnaires, du moins des pensionnaires comme sous les Ptolémées. Quintilien notamment avait professé la rhétorique aux frais de l’empereur, Hadrien, Antonin, Marc-Aurèle fondèrent également des chaires pour les grammairiens et les rhéteurs ; Alexandre Sévère bâtit des écoles et donna des bourses aux enfants pauvres, ou plutôt décida que les villes entretiendraient les élèves désignés par elles comme dignes d’une instruction complète. Le premier pas était fait, et de ce mouvement devait découler le système d’enseignement qui prévaut encore dans le monde civilisé.

L’empereur qui s’avança le plus loin dans cette voie et qui à cet égard fut tout à fait un novateur est ce Julien que l’Église chrétienne continue de désigner par le surnom d’ « Apostat », parce qu’il représente la réaction des païens lettrés contre la domination des chrétiens ignorants et grossiers. Mais, en réalité, Julien ne cherchait pas à revenir au paganisme antique : chrétien malgré lui, il voulait en