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mons. Pendant les douloureux siècles du moyen âge, la frayeur avait transformé les hommes ; elle leur faisait voir des figures grimaçantes là où les ancêtres avaient surpris le sourire des dieux ; elle avait changé en antichambre de l’enfer cette terre joyeuse qui pour les Hellènes était la base de l’Olympe. Les noirs magiciens, comprenant d’instinct que la liberté pourrait renaître de l’amour de la nature, avaient voués la terre aux génies infernaux ; ils avaient livré aux démons et aux fantômes les chênes qu’habitaient jadis les dryades et les fontaines où s’étaient baignées les nymphes. C’est au bord des eaux jaillissantes que les spectres des morts revenaient pour mêler leurs sanglots au frémissement plaintif des arbres et au murmure étouffé de l’eau contre les pierres ; c’est là que les bêtes fauves se rassemblaient le soir et que le sinistre loup-garou se tenait en embuscade derrière un buisson pour s’élancer d’un bond sur le dos d’un passant et en faire sa monture. En France, que de « fonts du diable » et de