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À Élie Reclus.


San Antonio, Sierra Nevada, 1er février 1857.
Mes très chers,

Cette fois, si vous ne recevez pas de mes nouvelles, ne vous en prenez pas aux courriers de la Nouvelle Grenade, mais à moi, plutôt au grand hasard. Il y avait plus d’un mois que je ne vous avais écrit lorsque je suis tombé malade d’une fièvre ou d’un chaud-mal quelconque. Je n’étais pas alors à Riohacha, où j’aurais pu trouver du moins quelques demi-ressources pour me guérir, mais dans un misérable village appelé Dibulla où il n’y a guère autre chose que des vieilles femmes, des lépreux et de la vermine. Pendant près de deux mois, je suis resté étendu sur le sol dans une cabane délabrée, ayant pour compagnons les crapauds, les lézards, les salamandres, moustiques, maringoins, frappe d’abord et cancrelats. Pendant plusieurs jours, je n’ai fait que délirer et, comme de juste, toutes les vieilles femmes et tous les lépreux du lieu avaient déjà fait mon testament, et je me préparais à me tourner sur le flanc et à crever comme un chien en vous écri-