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achetée simplement comme un symbole de sa puissance. Tout le monde peut aller dans la cour du monsieur admirer cette merveille.

La plaine de Riohacha est assez vaste, son horizontalité presque parfaite. La nature sablonneuse du sol, les bancs de calcaire qui la traversent, les coquillages épars sur la surface prouvent d’une manière irrécusable que la mer y a séjourné longtemps, j’ai même des raisons de croire qu’autrefois la rivière Madeleine, avant le soulèvement de la Sierra Nevada, avait choisi pour embouchure l’estuaire qui est aujourd’hui la plaine de Riohacha. Vue de haut, cette plaine semble encore une mer, les arbres qui la recouvrent, acacias, mimosas, raquettes et cactus lui donnent une teinte verte, uniforme, qui ressemble à celle de l’Atlantique. Plusieurs rivières, descendues d’un rameau des Andes qu’on appelle Sierra Negra, traversent la plaine du sud au nord ; la plus considérable est celle qu’Onésime a parfaitement raison de nommer Riohacha, mais les gens du pays, qui sont fort peu géographes, donnent à la partie supérieure de ce cours d’eau le nom de Rancheria et à son embouchure celui de Calacala. C’est une charmante petite rivière qui ressemblerait à la Dronne[1], si elle n’était peuplée d’alligators ; elle est toujours guéable, même dans la saison des pluies ; cependant, si on avait dans ce pays-ci quelque esprit d’industrie, on pourrait l’utiliser pour le flottage des bois d’acajou. La bouche du Riohacha est la plus capricieuse que j’aie encore vue ; elle change continuellement de place, tantôt elle passe dans la ville même, tantôt

  1. Rivière que l’on aperçoit de Laroche-Chalais, lieu de naissance de Mme Reclus.