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VARIÉTÉS ET ANECDOTES

PASCAL

Il y avait un homme qui, à douze ans, avec des barres et des ronds avait créé les mathématiques ; qui, à seize, avait fait le plus savant traité des coniques qu’on eût vu, depuis l’antiquité ; qui, à dix-neuf, réduisait en machine une science qui existe tout entière dans l’entendement ; qui, à vingt-trois, démontra les phénomènes de la pesanteur de l’air et détruisit une des plus grandes erreurs de l’ancienne physique ; qui, à cet âge où les autres hommes commencent à peine à naître, ayant achevé de parcourir le cercle des connaissances humaines, s’aperçut de leur néant et tourna toutes ses pensées vers la religion.

Chateaubriand.

Peut-être ce singulier phénomène (la supériorité de Pascal comme écrivain) doit-il en partie s’expliquer par l’influence même des études abstraites qu’avait embrassées Pascal à une époque où ces hautes connaissances, destituées encore de la perfection et de la facilité des méthodes, imposaient à l’esprit l’effort d’une création continuelle. Tout était originalité dans une étude incomplète et renaissante. Une sorte d’enthousiasme et d’imagination élevée s’attachait à tous les essais de la science. L’amour de la vérité est une source sublime à laquelle Pascal puisait ; il en tira son éloquence. Le bon goût, le mépris des faux ornements et de la vaine Rhétorique naquirent pour lui de la grandeur des objets dont il avait occupé son intelligence. L’originalité le suivit de la Géométrie dans les lettres ; il inventa son langage comme il avait trouvé