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MORCEAUX CHOISIS ET PENSÉES

soient fins, et que les esprits fins soient géomètres ; à cause que les géomètres veulent traiter géométriquement les choses fines, et se rendent ridicules, voulant commencer par les définitions, et ensuite par les principes ; ce qui n’est pas la manière d’agir dans cette sorte de raisonnement. Ce n’est pas que l’esprit ne le fasse ; mais il le fait tacitement, naturellement et sans art, car l’expression en passe tous les hommes, et le sentiment n’en appartient qu’à peu.

Et les esprits fins, au contraire, ayant accoutumé à juger d’une seule vue, sont si étonnés quand on leur présente des propositions où ils ne comprennent rien, et où, pour entrer, il faut passer par des définitions et des principes stériles, et qu’ils n’ont pas accoutumé de voir ainsi en détail, qu’ils s’en rebutent et s’en dégoûtent. Mais les esprits faux ne sont jamais ni fins ni géomètres.

Les géomètres qui ne sont que géomètres ont donc l’esprit droit, mais pourvu qu’on leur explique bien toutes choses par définitions et par principes : car ils ne sont droits que sur les principes bien éclaircis. Et les esprits fins qui ne sont que fins, ne peuvent avoir la patience de descendre jusqu’aux premiers principes des choses spéculatives et d’imagination, qu’ils n’ont jamais vues dans le monde et dans l’usage.

Pascal.

On peut regarder la géométrie comme une logique pratique, parce que les vérités dont elle s’occupe, étant les plus simples et les plus sensibles de toutes,