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Le goût de ces couleurs qui étoit plus répandu, il y a deux ſiècles, qu’il ne l’eſt peut-être aujourd’hui, procura un débouché conſidérable à ce bois précieux. Ce fut au profit des Eſpagnols ſeuls juſqu’à l’établiſſement des Anglois à la Jamaïque.

Dans la foule des corſaires qui ſortoient tous les jours de cette iſle devenue célèbre, pluſieurs allèrent croiſer dans les deux baies & ſur les côtes de la péninſule, pour intercepter les vaiſſeaux qui y naviguoient. Ces brigands connoiſſoient ſi peu la valeur de leur chargement, que lorſqu’ils en trouvoient des barques remplies, ils n’emportoient que les ferremens. Un d’entre eux ayant enlevé un gros bâtiment qui ne portoit pas autre choſe, le conduiſit dans la Tamiſe avec le ſeul projet de l’armer en courſe ; & contre ſon attente, il vendit fort cher un bois dont il faiſoit ſi peu de cas, qu’il n’avoit ceſſé d’en brûler pendant ſon voyage. Depuis cette découverte, les corſaires qui n’étoient pas heureux à la mer, ne manquoient jamais de ſe rendre à la rivière de Champeton, où ils embarquoient les piles de bois qui ſe trouvoient toujours formées ſur le rivage.