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l’acquirent, une autorité perſonnelle & héréditaire ſur ſes vaſſaux. Le gouvernement féodal y domine dans toute la force de ſon inſtitution primitive. C’eſt un empire composé d’autant d’états qu’il y a des terres. Ce n’eſt point à la pluralité, mais par l’unanimité des ſuffrages qu’on y fait les loix, qu’on y prend les réſolutions. Sur de fauſſes idées de droit & de perfection, on a ſupposé qu’une loi n’étoit juſte qu’autant qu’elle étoit adoptée d’un conſentement unanime, parce qu’on a cru, ſans doute, que tous verroient le bien, & tous le voudroient : deux choſes impoſſibles dans une aſſemblée nationale. Mais peut-on même prêter des intentions ſi pures à une poignée de tyrans ? Car cette conſtitution qui s’honore du nom de république & qui le profane, qu’eſt-elle autre choſe qu’une ligue de petits deſpotes contre le peuple ? Là, tout le monde a de la force pour empêcher, & perſonne pour agir. Là, le vœu de chacun peut s’oppoſer au vœu général ; & là ſeulement, un ſot, un méchant, un inſensé eſt sûr de prévaloir ſur une nation entière.

Dans cette anarchie, s’établit une lutte