Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v10.djvu/224

Cette page n’a pas encore été corrigée

invincible flotte put retourner en Eſpagne ; où ſon délabrement, joint à l’effroi des matelots, répandit une conſternation dont la nation ne ſe releva plus : abattue à jamais par la perte d’un armement qui lui avoit coûté trois ans de préparatifs, où ſes forces & ſes revenus s’étoient comme épuisés.

La chute de la marine Eſpagnole fit paſſer le ſceptre de la mer aux mains des Hollandois. L’orgueuil de leurs anciens tyrans ne pouvoit être mieux puni, que par la proſpérité d’un peuple forcé, par l’oppreſſion, à briſer le joug des rois. Lorſque cette république levoit la tête hors de ſes marais, le reſte de l’Europe étoit plongé dans les guerres civiles par le fanatiſme. Dans tous les états, la persécution lui préparoit des citoyens. L’inquiſition que la maiſon d’Autriche vouloit étendre dans les pays de ſa domination ; les bûchers que Henri II allumoit en France ; les émiſſaires de Rome que Marie appuyoit en Angleterre : tout concourut à donner à la Hollande un peuple immenſe de réfugiés. Elle n’avoit ni terres, ni moiſſons pour les nourrir. Il leur fallut chercher une ſubſiſtance par mer, dans le monde