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la nécessité d’universaliser notre idiôme leur fournit une nouvelle occasion de bien mériter de la patrie. Eh ! pourquoi la Convention nationale ne feroit-elle pas aux citoyens l’invitation civique de renoncer à ces dialectes, & de s’énoncer constamment en français ?

La plupart des législateurs anciens & modernes ont eu le tort de ne considérer le mariage que sous le point de vue de la reproduction de l’espèce. Après avoir fait la première faute de confondre la nubilité & la puberté, qui ne sont des époques identiques que chez l’homme de la nature, oublierons-nous que, lorsque les individus veulent s’épouser, ils doivent garantir à la patrie qu’ils ont les qualités morales pour remplir tous les devoirs de citoyens, tous les devoirs de la paternité ? Dans certains cantons de la Suisse, celui qui veut se marier doit préalablement justifier qu’il a son habit militaire, son fusil & son sabre. En consacrant chez nous cet usage, pourquoi les futurs époux ne seroient-ils pas soumis à prouver qu’ils savent lire, écrire & parler la langue nationale ? Je conçois qu’il est facile de ridiculiser ces vues : il est moins facile de démontrer qu’elles sont déraisonnables. Pour jouir du droit de cité, les Romains n’étaient-ils pas obligés de faire preuve qu’ils savoient lire & nager ?

Encourageons tout ce qui peut être avantageux à la patrie ; que dès ce moment l’idiôme de la liberté soit à l’ordre du jour, & que le zèle des citoyens proscrive à jamais les jargons, qui sont les derniers vestiges de la féodalité détruite. Celui qui, connoissant à demi notre langue, ne la parloit que quand il étoit ivre ou en colère, sentira qu’on peut en concilier l’habitude avec celle de la sobriété & de la douceur. Quelques locutions bâtardes, quelques idiotismes prolongeront encore leur existence dans le canton où ils étoient connus. Malgré les efforts de Desgrouais, les gasconismes corrigés sont encore à corriger. Les citoyens de Saintes iront encore voir leur borderie, ceux de Blois leur closerie, & ceux de Paris leur métairie. Vers Bordeaux on défrichera des landes, vers Nîmes des garrigues ; mais enfin les vraies dénominations prévaudront même parmi les ci-devant Basques & Bretons, à qui le gouvernement aura prodigué ses moyens : & sans pouvoir assigner l’époque fixe à laquelle ces idiômes auront entièrement disparu, on peut augurer qu’elle est prochaine.

Les accens feront une plus longue résistance, & probablement les peuples voisins des Pyrénées changeront encore pendant quelque temps les e muets en é fermés, le b en v, les f en h. À la Convention nationale on retrouve les inflexions & les accents de toute la France. Les finales traînantes des uns, les consonnes gutturales ou nazales des autres, ou même des nuances presque impercepti-