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postérité a tellement conservé l’idiôme local, que dans la Hesse & le Brandebourg, on retrouve les patois gascon & picard.

Je crois avoir établi que l’unité de l’idiôme est une partie intégrante de la révolution ; & dès-lors plus on m’opposera de difficultés, plus on me prouvera la nécessité d’opposer des moyens pour les combattre. Dût-on n’obtenir qu’un demi-succès, mieux vaudroit encore faire un peu de bien que de n’en point faire. Mais répondre par des faits, c’est répondre péremptoirement ; & tous ceux qui ont medité sur la manière dont les langues naissent, vieillissent & meurent, regarderont la réussite comme infaillible.

Il y a un siècle qu’à Dieuse un homme fut exclus d’une place publique parce qu’il ignoroit l’allemand, & cette langue est déjà repoussée à grande distance au-delà de cette commune. Il y a cinquante ans que dans sa Bibliothèque des auteurs de Bourgogne Papillon disoit, en parlant des noëls de la Monnoie : « Ils conserveront le souvenir d’un idiôme qui commence à se perdre comme la plupart des autres patois de la France ». Papon a remarqué la même chose dans la ci-devant Provence. L’usage de prêcher en patois s’étoit conservé dans quelques contrées. Mais cet usage diminuoit sensiblement ; il s’étoit même éteint dans quelques communes, comme à Limoges. Il y a une vingtaine d’années qu’à Périgueux il étoit encore honteux de francimander, c’est-à-dire, de parler français. L’opinion a tellement changé, que bientôt sans doute il sera honteux de s’énoncer autrement. Par-tout ces dialectes se dégrossissent, se rapprochent de la langue nationale ; cette vérité résulte des renseignemens que m’ont adressés beaucoup de sociétés populaires.

Déjà la révolution a fait passer un certain nombre de mots français dans tous les départements, où ils sont presque universellement connus, & la nouvelle distribution du territoire a établi de nouveaux rapports qui contribuent à propager la langue nationale.

La suppression de la dîme, de la féodalité, du droit coutumier, l’établissement du nouveau système des poids & mesures entraînent l’anéantissement d’une multitude de termes qui n’étoient que d’un usage local.

Le style gothique de la chicane a presque entièrement disparu, & sans doute le code civil en secouera les derniers lambeaux.

En général dans nos bataillons on parle français, & cette masse de républicains qui en aura contracté l’usage, le répandra dans ses foyers. Par l’effet de la révolution, beaucoup de ci-devant citadins iront cultiver leurs terres ; il y aura plus d’aisance dans les campagnes ; on ouvrira des canaux & des routes ; on prendra, pour la première fois, des mesures efficaces pour améliorer les chemins vicinaux ; les fêtes nationales, en contribuant à détruire les tripots, les jeux de hasard qui sont l’école des fripons & qui ont dé-