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Et, presque à découvert aux yeux de peuple entier,
D’un Mécène indolent affecte l’air altier ?
Ah ! je le reconnais : c’est ce hardi faussaire
Dont un sceau contrefait répara la misère.
Mes tablettes, enfant, mes crayons sont-ils prêts ?
Donne, qu’à tous les yeux je signale ses traits ;
Mais non, peignons plutôt la matrone opulente,
Dont un époux miné par une fièvre lente,
Accepte sans soupçon un falerne infecté,
Et qui, savante en l’art par Locuste inventé,
Aux femmes qui n’ont point encore assez d’audace,
Montre comment du peuple affrontant la menace,
Elles peuvent, malgré les rumeurs et les cris,
Envoyer au bûcher leurs livides maris.

Voulez-vous parvenir à quelque honneur insigne ?
De Gyare et des fers osez vous montrer digne.
On vante la vertu, mais elle se morfond.
Ces richesses, l’objet d’un respect si profond,
Ces terres, ces jardins, ces superbes portiques,
Et ces tables de prix et ces vases antiques,
Et cette coupe d’or d’où saillit un chevreau,
Comment les obtient-on ? en bravant le bourreau.
Et qui pourrait dormir, quand on voit ce beau-père
Infâme corrupteur d’une bru mercenaire,
Ces hymens monstrueux, ce faible adolescent
Sous la robe prétexte adultère impuissant !
Ah ! l’indignation, au défaut de Minerve,
Inspirerait des vers à la plus froide verve,
Des vers bons ou mauvais et tels que par hasard,
Cluvienus et moi, nous en faisons sans art.

Depuis qu’au gré des flots gonflés par les orages,
Deucalion voguant sur des mers sans rivages,
Au sommet du Parnasse interrogea Thémis,
Et, d’un esprit docile, à l’oracle soumis,
Des pierres que lançait sa compagne fidèle,