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Tu peux braver leurs cris ; mais tremble d’irriter
Le Gaulois, l’Espagnol, l’habitant d’Illyrie ;
Respecte l’Africain par qui Rome est nourrie,
Et qui, de la sueur dont son champ est trempé,
Engraisse un peuple oisif, de jeux seuls occupé.
Et l’Africain d’ailleurs, que craint-il du pillage ?
Marius n’a-t-il pas exploré ce rivage ?
Du brave au désespoir poussé par le malheur,
Garde-toi bien surtout d’outrager la valeur.
En vain l’or et l’argent seront en ta puissance :
Tu ne lui raviras le casque ni la lance,
Ni les dards enfouis, ni les glaives rouillés.
Il restera du fer aux peuples dépouillés.
Ces mots n’enferment point un oracle futile ;
Crois ici par ma bouche entendre la Sibylle.

Si tu n’es entouré que d’hommes vertueux ;
Si, chez toi, trafiquant d’un crédit monstrueux,
Un Ganymède impur ne vend pas la justice ;
Si, comme une harpie, en proie à l’avance,
Ta femme sur tes pas, prête à tout envahir,
De cités en cités ne court pas s’enrichir,
Cherche de quels grands noms ton oreille est flattée,
Sois le fils de Picus, descends de Prométhée,
Et de nos vieux récits débrouillant le chaos,
Remonte, si tu veux, aux plus anciens héros ;
Mais si l’ambition règne au fond de ton âme ;
Si de feux criminels la volupté t’enflamme ;
Si, portant la terreur chez des peuples soumis,
Tes faisceaux sont trempés du sang de nos amis ;
Si tu te plais à voir, en ta rage insensée,
Tes licteurs haletants et leur hache émoussée,
De tous ces noms pompeux le lustre accusateur
Ne sert qu’à mettre au jour l’opprobre de ton cœur.
Aperçu de plus loin dans un poste honorable,
Le crime se mesure aux titres du coupable.