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Ranc Arthur, de Poitiers (Vienne), externe, premier prix.

Biré Edmond, de Luçon (Vendée), interne, 2e prix.


Ranc parlait toujours de Poitiers avec émotion.

Peut-il exister description de ville natale plus jolie que celle-ci :


Quand j’étais tout petit[1], j’habitais avec mes parents à Poitiers, place du Pilori. Dans ce temps-là et avant les chemins de fer, Poitiers était une ville plus connue qu’elle ne l’est aujourd’hui. Les voyageurs de Paris à Bordeaux étaient forcés de s’y arrêter, et, après avoir déjeuné à l’Hôtel de l’Europe ou aux Trois Piliers, ils s’en allaient voir la cathédrale et la promenade de Blossac : tout comme à Châtellerault, ils n’avaient pas manqué de faire provision de petits couteaux. Une promenade dans Poitiers, pour ceux qui n’en avaient pas l’habitude, n’était pas chose commode. Il fallait se hasarder, dans les rues escarpées, sur le plus singulier des pavés. Ce pavé était formé de durs cailloux en forme d’œufs et la municipalité pour la grande commodité des paveurs, avait décidé que les cailloux seraient placés la tête en haut. Ce décret de la municipalité poitevine fait comprendre pourquoi un pied fin et bien chaussé est à Poitiers chose si rare.

Quand un étranger s’était décide à exécuter sur notre pavé la danse des œufs, il était quel-

  1. Le Roman d’une Conspiration, par Ranc, dédié à Blanqui.