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accroissement naturel, quelque considérable qu’il ait été, n’a pu dépasser 1,000 âmes, de 1756 à 1760 (17).

La population de l’île Saint-Jean flottait donc à cette époque entre 6 et 7,000 personnes, évaluation que confirme une lettre de l'évêque de Québec du 30 octobre 1757 (18). Mais l’heureuse prospérité au sein de laquelle elle progressait, ne devait pas tarder à être détruite par la rigueur des Anglais. Bien que ceux-ci fussent alors les maîtres incontestés du Canada et de tous les établissements français ; bien qu’ils fussent à l’abri de tout danger et même de toute inquiétude dans leurs nouvelles possession, ils prétextèrent l’aversion que manifestaient contre eux les Acadiens de l’île Saint-Jean, pour y renouveler les mesures d’odieuse proscription et de spoliation violente que nous avons déjà signalées et stigmatisées en 1755, dans la Nouvelle-Ecosse. L’île Saint-Jean était beaucoup plus fertile que celle du Cap-Breton ; c’était ce qui avait déterminé en ce lieu l’affluence des émigrants acadiens, et peut-être doit-on aussi y chercher la raison qui lui attira l'attention et la sévérité particulières de ses nouveaux maîtres ; les Anglais ayant toujours professé que les terres fertiles étaient trop bonnes pour les Acadiens et les Canadiens, et devaient être réservées pour eux et leurs amis.

Mais le gouvernement anglais a toujours jeté un voile si épais sur l’effroyable tyrannie qu’il fit peser alors sur nos malheureux compatriotes de l’Amérique, qu’il nous a été impossible de recueillir aucun détail ni sur les causes ni sur le fait du désastre qui ruina alors cette île éloignée de toute communication, et entourée de pays presque entièrement déserts. Il est évident qu’on a cherché à dérober autant que possible ces événements à la publicité, circonstance aggravante de ce crime historique, et sur la-