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soient pas. Ces comparaisons exigent une grande finesse d’analyse, et les résultats n’en sont jamais qu’approximatifs, ce qui oblige à les refaire sans cesse ; mais la science tout entière n’est qu’un art d’observation approximative, lequel se perfectionne constamment.

En se plaçant sur le terrain de l’histoire, la critique moderne s’est placée sur le terrain de la réalité, et s’est ouvert la voie du progrès. Il y a maintenant une science littéraire. Il se peut qu’elle ne constitue pas à elle seule toute la critique, mais elle en est devenue le fondement indispensable. Comme les sciences d’observation, elle vit non-seulement d’instinct, mais de travail, et le premier venu peut, en se donnant la peine de fouiller, lui rendre d’utiles services. Le but à atteindre est de suivre de siècle en siècle le mouvement de la fortune littéraire des peuples civilisés, et de chercher la raison de toutes les pertes et de tous les gains qu’ils ont faits. Cette étude, application nouvelle du génie de l’histoire, n’existerait encore qu’à l’état embryonnaire sans les hardiesses du scepticisme moderne. Elle s’est fait, en littérature, la part du lion ; et si l’on songe à la multitude d’aperçus nouveaux dont, en quelques années, elle a enrichi l’esprit humain, on se persuadera, avec M. Stapfer, qu’elle a un grand avenir. C’est une conquête qui ne le cède à aucune. Le scepticisme est fécond quelquefois.