Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/91

Cette page a été validée par deux contributeurs.

avaient fâcheusement retardée dans son essor[1]. C’était là que la Renaissance assistait au développement des sciences camérales, autrement dit la caméralistique.

Sous les rois mérovingiens, on avait appelé camera le trésor du prince ; puis ce nom avait bientôt embrassé toute la fortune privée du souverain. C’était cette fortune qui, d’après les idées féodales, devait fournir aux dépenses ordinaires de l’État, sous la réserve que dans les circonstances graves le prince pouvait lever des impôts, dits aides, avec le consentement de la nation exprimé dans des assemblées féodales, qui formèrent en France les États Généraux et en Allemagne les Landesstœnde. On sait que la duchesse de Brabant avait consulté saint Thomas d’Aquin sur le droit que les souverains pouvaient avoir de lever des contributions sur leurs sujets, et l’on connaît la curieuse réponse que le docteur lui avait faite[2].

C’était le thesaurarius ou camerarius qui administrait cette fortune privée du prince, dite Kammergüter dans les pays germaniques. Il se forma ainsi, au moins dans ces

  1. Voyez pour la description économique de l’Allemagne à cette époque le bel ouvrage de Janssen, l’Allemagne et la Réforme (t. I, l’Allemagne à la fin du moyen âge, tr. fr., Paris, 1887).
  2. « Quærebatis, si liceal vobis exactiones facere in veslros subditos… Constituti sunt redditus terrarum principibus, ut ex illis viventes a spoliatione subditorum abstineant… Contingit tamen aliquando, quod principes non habent sufficientes redditus ad cûstodiam terras et ad alia quoe imminent rationabiliter principibus expetenda : et in tali casu justum est ut subditi exhibeant unde possit communis eorum utilitas procurai. Et inde est quod in aliquibus terris, ex antiqua consuetudine, domini suis subditis certas collectas imponunt : quoe si non sint immoderatœ, absque peccato exigi possunt. — Et similis ratio esse videtur si aliquis casus emergat de novo, in quo oportet plura expendere pro utilitate communi vel pro honesto statu principi conservando, ad qua ; non sufficiunt redditus proprii vel exactiones consueloe, puta, si hostes terrain invadant, vel aliquis similis casus emergat… Si vero velint exigere ultra id quod est institutum, pro sola libidine habendi, aut propler inordinatas et immoderalas expensas, hoc eis omnino non licet » (De regimine Judæorum, VI). — « Ne prends ni tailles, ni aides de tes sujets, disait saint Louis à son fils dans son testament, si urgente nécessité et évidente utilité ne te le fait faire. » — À la fin du XVIe siècle, Bodin, tout en distinguant les biens propres du roi et le domaine de la couronne, place encore les revenus de ce domaine au premier rang des ressources de l’Etat (République, 1. VI, ch. II).