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nge, ses habitants moins formidables ; et, s’il y en a quelques-uns qu’elle ne peut cesser de craindre, elle commence à connaître leurs habitudes et à savoir s’y conformer ».

À mesure que Fanny grandit, l’amitié d’Edmund lui est plus précieuse. Il se destine à être pasteur, et joue déjà le rôle de directeur de conscience auprès de sa cousine. Il s’intéresse à son éducation, il lui recommande les livres qui charment ses loisirs, et il rend ses lectures fécondes en parlant avec elle de ce qu’elle lit. En retour de telles attentions, elle l’aime plus que tout au monde, à l’exception de William ; son cœur est partagé entre ces deux affections.

Et les années passent presque heureuses pour Fanny jusqu’au jour où Sir Thomas part pour les Antilles surveiller une propriété qui périclite. En raison de l’apathie maladive de sa femme, il confie la direction de sa maison à Mrs. Norris, devenue veuve. Un bien mauvais choix ! Celle-ci, heureuse de vivre aux dépens de son beau-frère, songe plus à lui épargner quelques sous qu’à surveiller la conduite de ses filles Maria et Julia. Elle les flatte, les gâte, en fait des poupées vaniteuses et frivoles ; tandis que, jalouse des attentions d’Edmund pour Fanny, elle prend un haineux plaisir à humilier sa nièce pauvre.

Le successeur de son mari introduit à Mansfield Park son beau-frère et sa belle-sœur, Henry et Mary Crawford, tous deux riches, spirituels, mondains, élevés à la diable par un vieil oncle fêtard. L’austère demeure de Sir Thomas s’anime singulièrement ; on y répète des comédies scabreuses ; ses deux filles ne mettent aucune retenue dans leurs avances au brillant Crawford, et affichent sans pudeur leur rivalité et leur jalousie. Le sage Edmund, lui-même, est ébloui par la grâce et l’esprit de Mary Crawford et néglige sa protégée.

Fanny est maintenant une jeune fille ; sa reconnaissance s’est transformée en un délicat amour, et elle