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es chevaux fourbus. Mais tout cela était épuisé, et on ne trouva, en attendant le café, d’autre sujet d’entretien que la comparaison des tailles respectives de Harry Dashwood et de William, le second fils de Lady Middleton, tous deux à peu près du même âge. Heureusement les deux enfants n’étaient pas là, car le sujet aurait été trop vite épuisé en les mesurant immédiatement. Comme Harry était seul présent, on ne pouvait vérifier les diverses assertions, et tous avaient le droit d’être également positifs dans leur opinion, de l’exprimer à maintes reprises et aussi longuement qu’il leur plaisait.

Les avis se partageaient ainsi :

Les deux mères, quoique chacune fut persuadée que son fils était le plus grand, décidaient poliment en faveur de l’autre.

Les deux grand’mères, avec non moins de parti pris, mais avec plus de sincérité, mettaient une égale ardeur à défendre leur propre descendant.

Lucy Steele, désirant ardemment plaire aux deux mères, pensait que les deux enfants étaient remarquablement grands pour leur âge, et qu’il lui était impossible de voir entre eux la plus petite différence du monde.

Miss Steele fut encore plus habile ; elle déclara, aussi rapidement qu’elle le put, que chacun d’eux était le plus grand.

Elinor, après avoir décidé en faveur de William, et blessé ainsi la grand’mère d’Harry et sa mère encore plus, ne jugea pas à propos d’insister. Quand à Marianne, lorsqu’on lui demanda son avis, elle offensa tout le monde en déclarant qu’elle n’avait pas d’opinion, et qu’elle ne s’était jamais occupée de leur taille.


On voit comme Jane Austen sait rendre significatifs, par sa façon de les présenter, les incidents les plus communs de la vie ordinaire. Raison et Sensibilité fourmille de ces petites peintures remplies d’observation subtile, d’humour et de malice, et cela en fait, malgré ses défauts, un ouvrage charmant, un compagnon digne de cinq autres chefs-d’œuvre de Miss Austen.



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