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pu être cette jeune femme pour que sa tombe attirât de tels personnages. Plus tard, Mr. Austen-Leigh fit sertir dans le mur, en face de la tombe, une plaque de bronze avec ces mots : « Jane Austen, bien connue par ses écrits, chère à sa famille par les nombreuses qualités de son caractère que rehaussaient sa foi et sa piété chrétienne. Elle parla avec sagesse et sa parole fut toute de bonté. » En 1900, ses admirateurs firent placer un vitrail commémoratif à la fenêtre la plus voisine.

Jane Austen avait quarante-deux ans lorsqu’elle mourut. Sa courte existence aurait été parfaitement heureuse, s’il ne lui avait manqué les grands bonheurs que donne un amour partagé et les joies anxieuses des maternités florissantes. On est étonné qu’avec toutes ses qualités physiques et morales, elle n’ait jamais inspiré un sentiment profond à un homme, sinon son égal, du moins capable de la comprendre. Peut-être a-t-elle eu son roman, mais elle en a gardé le secret vis-à-vis de tous, elle l’a caché aussi soigneusement qu’elle dérobait à la vue de ses amies les petits feuillets d’Emma ou de Persuasion. Ne pouvant admettre qu’une femme qui avait parlé de l’amour en des phrases si profondes et si subtiles n’eut pas connu dans la vie les émotions qu’elle analyse avec une telle sûreté, ses biographes se sont obstinés à chercher dans ses livres, dans sa correspondance, dans les souvenirs de ceux qui l’avaient connue, quelque trace d’une affection déçue. Mais ils n’ont pu nous donner que de vagues suppositions, et il est impossible d’affirmer que Jane ait jamais aimé. Elle a flirté, nous le savons, et elle y prenait grand plaisir. Nous connaissons une de ses premières victimes par ses lettres à Cassandra, et quelques personnes ont cru trouver dans ce simple marivaudage l’histoire d’amour tant cherchée. Nous allons voir que ce n’était pas très sérieux, du moins du côté de Jane.

En 1796, Mrs. Lefroy, femme du recteur d’une paroisse