Page:Rague - Jane Austen, 1914.djvu/48

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ce n’est pas simple découragement. Après l’échec d’Orgueil et Préventions, elle a écrit Raison et Sensibilité, L’Abbaye de Northanger, et bientôt, dans le village de Chawton, elle va donner ses trois meilleurs livres. Il semble que l’atmosphère des villes engourdit ses facultés, que leur agitation et les multiples devoirs mondains qu’elles imposent ne lui laissent pas assez de tranquillité d’esprit pour ses minutieuses études de caractère. Il lui faut pour travailler le calme de la campagne et l’entourage des milieux qu’elle peint.

La littérature anglaise aurait ainsi perdu trois de ses plus magnifiques joyaux, si l’un des frères de Jane Austen ne lui avait assuré à partir de 1809, dans un petit village du Hampshire, l’existence paisible indispensable à l’élaboration de ses délicates histoires d’amour.



Chawton


La mort de Mr. Knight, son père adoptif, avait fait d’Edward Austen un grand propriétaire. Outre sa résidence habituelle de Godmersham Park dans le Kent, il possédait à Chawton, dans le Hampshire, un vaste domaine où, chaque année, il passait quelques mois. Il offrit à sa mère et à ses sœurs une maison sur l’une de ses deux propriétés, à leur choix. Elle préférèrent Chawton, plus près de leur cher Steventon. Mr. Edward Knight (il avait pris récemment le nom de son généreux parent) donna l’ordre d’agrandir et d’embellir un cottage qu’habitait son intendant. Il en fit une plaisante et confortable demeure, assez grande pour que Mrs. Austen put recevoir plusieurs de ses enfants à la fois. La maison donnait directement sur la route ; mais derrière, un grand jardin bordé d’aubépines et de seringas, avec un rideau de grands bouleaux, offrait un refuge frais et tranquille à l’abri du bruit et de la poussière. Les arbres fruitiers y foisonnaient,