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et les chiffons, surtout à Bath où les boutiques, bien autrement achalandées qu’à Basingstoke, offrent tant de tentations, tant de suggestions à transformer une robe ou un chapeau en un nouveau petit chef-d’œuvre, sujet d’interminables lettres à Cassandra. Toutes ces réalités des devoirs mondains lui font oublier Darcy, Elisabeth, Elinor et Marianne, toute la petite société fictive, fille de son imagination et qu’elle a tant chérie.

Cependant, en 1803, elle songea à faire paraître l’Abbaye de Northanger, dont les premiers chapitres ont précisément pour cadre les brillants salons de la Pump Room. On croyait jusqu’ici, d’après le mémoire de Mr. Austen-Leigh, qu’elle s’était adressée à un éditeur de Bath. Mais les derniers documents fournis par MM. W. et R. A. Austen-Leigh semblent prouver que le manuscrit, portant alors le titre de Susan, fut proposé à MM. Crosby et Cie de Londres, au cours d’un séjour qu’elle fit chez son frère Henry, Jane ne voulant pas faire connaître son nom, ce fut Mr. Seymour, l’homme d’affaires de Henry Austen, qui se chargea de la négociation.

Mr. Crosby en offrit deux cent-cinquante francs que Jane accepta avec joie. La somme était minime, mais c’était un commencement ; elle n’avait plus qu’à attendre l’effet que ferait son livre sur le public. Elle attendit longtemps ; elle n’eut même jamais le plaisir de le voir à la devanture des libraires. Avant d’envoyer le manuscrit à l’imprimeur, l’éditeur le relut, il changea d’avis, crut avoir fait une mauvaise affaire, et l’envoya rejoindre le tas des ouvrages sans intérêt et susceptibles de n’apporter que des déboires commerciaux.

Cette nouvelle déception semble avoir anéanti chez Jane Austen toute confiance en son talent, tout espoir de succès, et pendant de longues années elle ne s’assit plus à son petit bureau que pour sa correspondance avec Cassandra, ses amies et ses nièces. C’est probablement