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avides de frôler le grand monde. Pour divertir ses visiteurs, Bath prodiguait pendant quelques mois la musique, les illuminations et les feux d’artifices. Cette joyeuse animation plaisait à Jane ; elle aimait à circuler dans les rues, à entendre autour d’elle le brouhaha de cette foule en fête, les salutations échangées parmi les rires, les cris des marchands de journaux et de « muffins » ; ses yeux s’égayaient aux toilettes claires et extravagantes et au luxe des équipages. Elle avouait franchement son plaisir et se moquait des gens qui « affectent de dédaigner Bath et cependant y reviennent tous les ans, allongent leur séjour autant qu’ils le peuvent, et ne s’éloignent que sous la contrainte d’une absolue nécessité ». La municipalité de Bath a récompensé, en 1912, cette grande affection de Jane pour la ville d’eaux en lui élevant un buste au milieu de la grande salle de la Pump Room.

À côté de l’aristocratie et des Londoniens à la mode, Jane retrouve aussi le petit monde auquel elle appartient, le seul qu’elle aime réellement, le seul où elle se sent heureuse. Elle revoit, transporté dans un milieu différent, mais pas assez étranger pour le transformer, le petit groupement de familles de pasteurs et d’aristocratie campagnarde qui fréquentait Steventon Rectory. Elle y reconnaît tous les types qu’elle a eu tant de plaisir à étudier ; ils reforment à Bath la petite société de Basingstoke. Ils sont même plus amusants ici qu’à la campagne ; l’exubérance de cette vie plus libre fait saillir davantage leurs petits ridicules, met en relief leur vanité, leurs jalousies, leur vantardise. Jane continue à les observer et à suivre leurs petites intrigues, mais elle n’écrit plus. Elle n’en a pas les loisirs ; elle fréquente assidûment les Rooms et fait des connaissances de passage ; cela entraîne des visites cérémonieuses à recevoir et à rendre. Il faut donc s’occuper de toilette, et rien ne dévore les heures comme la dentelle, la soie,