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détails qu’elle devait apporter elle-même à la peinture de la vie provinciale. Elle s’intéressait à l’histoire, et la sécheresse de livres comme Military Police and Institutions of the British Empire ne la rebutait pas. Elle parlait parfaitement le français et lisait l’italien ; cependant on ne peut découvrir ni dans ses œuvres ni dans ses lettres aucune influence d’auteurs étrangers. Elle paraît avoir ignoré toute la littérature ancienne, grecque et latine. En somme, sa science littéraire se réduisait à la connaissance des auteurs anglais les plus réputés sur lesquels une personne de bonne éducation devait pouvoir placer quelques mots dans la conversation. Mais elle ne les avait pas parcourus en femme du monde qui cherche à se donner un léger verni littéraire, elle les avait lus et relus avec recueillement, étudiés avec application, chéris avec passion.

Malgré son grand amour pour Richardson, Cowper et Crabbe, Jane n’était ni une pédante revêche et maussade, ni une rêveuse sentimentale. Plus encore que ses livres, elle aimait les réunions mondaines, les bals, la toilette, les parties de campagne, et elle ne détestait pas un petit bout de flirt honnête, pour en rire ensuite avec Cassandra. Cette distraction ne devait pas lui manquer ; car, si nous en croyons les portraits que nous tracent son frère Henry et son neveu Mr. Austen-Leigh, elle était une fort jolie personne : une brunette aux yeux noisette, clairs et vifs, avec des cheveux bouclant naturellement, un teint délicatement rosé, le nez et la bouche fins et bien formés, grande, mince, souple, l’allure décidée et gracieuse, pleine de jeunesse, de vie et de santé. Ce qui frappe surtout dans un portrait dessiné par sa sœur Cassandra, c’est la magnifique expression des yeux largement ouverts, tandis que les lèvres, un peu pincées, semblent retenir une des malicieuses remarques de l’original. Sa voix était douce, elle chantait agréablement et jouait du piano avec un certai