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aient pas » ; et, bien que le père fut pasteur et que deux des fils fussent destinés à le devenir, ils n’étaient pas de ces prétendus gens sérieux qui trouvent trop futiles « ces ouvrages où sont déployés les plus grandes facultés de l’intelligence, dans lesquels la plus profonde connaissance de la nature humaine, les plus heureuses descriptions de ses variétés, les plus vivantes effusions de l’esprit et de l’humour sont offertes au monde dans le langage le plus choisi » [1].

Jane admirait tout particulièrement Richardson ; elle l’avait lu et relu, elle se rappelait les moindres gestes de Sir Charles Grandison, et parlait de ses héroïnes comme de véritables amies. Elle connaissait et aimait les œuvres de Fielding, de Goldsmith et de Francis Burney. Les extraordinaires romans mélodramatiques de Mrs. Radcliffe triomphaient alors ; il n’était pas permis à une jeune personne de la société de les ignorer ; il fallait pouvoir parler dans les réunions mondaines de Basingstoke de toutes les énigmes des Mystères d’Udolpho, et prévoir avec ses amies ce que cachaient les chambres secrètes des vieux châteaux du Rhin. Jane les lisait, mais pour s’en moquer et pour en tirer l’amusante satire de L’Abbaye de Northanger. Elle parle sans respect du Spectator : « cette volumineuse publication dont presque chaque article ne pouvait que dégoûter, soit par le fond, soit par la forme, une personne de goût » [2]. Mais elle prenait grand intérêt aux ouvrages de Johnson ; les poésies de Scott et de Cowper la ravissaient, et Crabbe était son favori, à tel point que sa plus haute ambition, disait-elle, aurait été d’être Mrs. Crabbe. Cet enthousiasme pour un poète sans grande originalité et sans grand sentiment poétique surprend un peu ; il est probable que Jane appréciait surtout dans les descriptions de son poète favori cette même recherche de la note vraie, de l’exactitude des

  1. L’Abbaye de Northanger.
  2. L’Abbaye de Northanger.