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Fielding. Les livres de Francis Burney avaient reçu un accueil enthousiaste dans toute l’Angleterre et en particulier dans le monde littéraire. Johnson appelait l’auteur « son petit marchand de caractères » et prétendait qu’Evelina aurait rendu Richardson jaloux. On trouve en effet dans les romans de Miss Burney toute une série de types supérieurement dessinés ; mais ils sont un peu exagérés, l’action manque de vie et de simplicité, et le style, clair et fluide dans Evelina, s’est peu à peu boursouflé, empâté dans Cécilia et Camilia, par une imitation maladroite des procédés de Johnson. Ne paraissant qu’à de longs intervalles, les livres de Miss Burney ne furent que de brillants éclairs dans le marasme général de la littérature de fiction ; et, si leur lecture a contribué à développer le talent d’un auteur mieux doué, et à faire naître Orgueil et Préventions, leur influence sur les autres écrivains de l’époque fut à peu près nulle.

Miss Austen, en écrivant en 1797 ses romans si simples et si naturels, si dépourvus d’incidents passionnants, d’un style si pur et si concis, se lançait donc contre le courant qui entraînait tous les romanciers à une surenchère de complications mélodramatiques. Il fallait une véritable originalité de tempérament à cette fille de pasteur, à peine âgée de vingt-deux ans, si respectueuse de tous les autres préjugés de la bonne société, pour oser écrire, vers 1800, des romans qui ne visaient pas à épouvanter le lecteur par les plus terrifiantes horreurs. Certainement, si les dames lettrées de Steventon avaient connu cette audace, elles eussent crié au scandale en présence de cette toute jeune fille qui préférait la simplicité des bonnes mœurs bourgeoises aux atrocités du moyen âge, et elles auraient accusé Jane de goûts dépravés.

Le refus de faire paraître, même aux frais de l’auteur, Orgueil et Préventions, opposé en 1798 par un éditeur de Londres à Mr. Austen, ne prouve évidemment pas qu’à