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ri du pharisaïsme de Mr. Collins, ils s’empressent de l’imiter. Il faut pourtant bien admettre que les pauvres parents doivent être fort satisfaits de tirer leur fille le moins mal possible de la pénible situation où elle s’est mise ; et les mœurs du temps étaient fort indulgentes aux frasques des grands seigneurs. On aurait tort d’en conclure que Jane Austen manquait un peu de sens moral. Elle ne fait que peindre la vie telle qu’elle était alors ; et son empressement à glisser sur toutes situations risquées, sa sympathie évidente pour Edmund Bertram ou Mr. Knightley, prouvent suffisamment la rigidité de ses principes.

Parallèlement à la réforme des mœurs cléricales, le mouvement évangéliste avait créé en Angleterre un grand renouveau de charité. Là encore, Jane Austen est pour les idées nouvelles. Nous savons par ses lettres qu’elle visitait souvent les pauvres de la paroisse paternelle, et leur distribuait des secours, soit en vêtements, soit en vivres. Elle nous avertit aussi que son héroïne Emma était très compatissante :


Les pauvres pouvaient compter sur son attention personnelle, sur sa bonté, sur ses conseils et sur sa patience aussi bien que sur sa bourse. Elle comprenait leurs façons d’agir, était indulgente à leur ignorance et à leurs tentations, ne nourrissait aucune espérance romanesque d’extraordinaire vertu chez ceux pour qui l’éducation avait fait si peu ; elle prenait part à leurs détresses avec une vive sympathie, et les assistait toujours avec autant d’intelligence que de bonne volonté.


Ce n’est pas là le socialisme égalitaire de nos jours, mais ce n’est pas non plus la pitié arrogante et méprisante d’une caste pour une autre caste. L’auteur a réfléchi sur la pauvreté, sur ses misères et ses vices ; elle sent qu’il y a là une injustice, peut-être nécessaire, et qu’il ne faut pas l’augmenter par un jugement