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nouveaux principes politiques. C’est trop loin d’elle, trop étranger aux préoccupations du petit monde qu’elle étudie.

Les questions religieuses l’attirent davantage, et c’est fort compréhensible. Dans cette famille de pasteurs à l’esprit cultivé, on devait discuter souvent les idées nouvelles qui, depuis une trentaine d’années, transformaient lentement le clergé protestant anglais. Sous l’influence indirecte des Wesleyans, un grand mouvement d’opinion réclamait des pasteurs un peu plus d’application à leurs devoirs. La carrière sacerdotale n’était, en général, qu’un pis aller pour les seconds fils de baronnets que ne distinguait aucun talent particulier. Aussi le titre de pasteur n’apportait-il que peu de considération dans la société. Et Mary Crawford nous donne l’opinion courante de son temps, lorsqu’elle dit : « Un pasteur n’est rien… son seul but dans la vie est de manger, boire et engraisser. C’est l’indolence qui lui a fait choisir cette carrière, l’indolence et l’amour de ses aises. Paresseux et égoïste, toute sa besogne consiste à lire le journal, prévoir le temps qu’il fera et quereller sa femme ; son vicaire fait tout le travail et il n’a d’autre occupation que de dîner [1] ».

Jane Austen leur accorde plus d’importance. Dans trois de ses romans sur six, les héros de l’histoire, Mr. Edmund Bertram, Mr. Edward Ferrars, Mr. Henry Tilney, sont des pasteurs, et ils sont fort sympathiques, intelligents, instruits et honnêtes. Naturellement, elle les peint tels qu’ils sont, tels que les façonnaient les habitudes du temps, la nécessité de plaire au propriétaire de leur cure. Un peu désœuvrés, plus préoccupés du rapport de leurs dîmes que de l’état d’âme de leurs paroissiens, ils visitent plus souvent les riches propriétaires du voisinage que les pauvres gens ; mais ils ont une vie décente, des

  1. Mansfield Park.