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trouvent que la stupidité ajoute un grand charme aux attraits féminins, il en est quelques-uns trop raisonnables et trop instruits pour exiger plus que l’ignorance chez une femme [1].


Il y a beaucoup d’amertume dans la réflexion, et l’on y perçoit l’âpreté d’un grief personnel. L’auteur, sans aucun doute, a été froissée plus d’une fois de voir les jeunes gens préférer à sa piquante conversation les yeux naïvement étonnés et admiratifs d’un joli minois.

Si les féministes peuvent considérer Jane Austen comme une des leurs, nous ne croyons pas cependant qu’elle eut jamais pensé à réclamer le droit de voter, car elle paraît se soucier aussi peu que possible des questions politiques. Il n’est pas très surprenant que les héros de ses romans ne fassent aucune allusion aux évènements qui bouleversaient alors l’Europe ; ils étaient trop occupés à conquérir le cœur des Elisabeth Bennet et des Mary Crawford pour s’occuper des batailles de Bonaparte. Mais dans ses lettres, on ne trouve nulle trace des craintes que devait éprouver alors tout bon patriote anglais. Elle mentionne les divers déplacements des vaisseaux de ses frères, se réjouit lorsque leur part de prise a été avantageuse, mais elle n’y joint aucune appréciation sur la cause qu’ils combattent ; on dirait qu’elle ignore qu’il y a une Révolution Française, un Napoléon. Son neveu, Mr. Austen-Leigh, nous raconte que, dans son enfance, elle affichait des sentiments violemment conservateurs, et que, parmi les personnages historiques, le roi Charles Ier était son favori. Ce ne fut probablement qu’un accès juvénile de sensibilité romanesque ; car, dans la suite, elle semble ne prendre aucun intérêt à la lutte furieuse qui se livre sous ses yeux, dans toute l’Europe, entre les partisans des anciens et des

  1. L’Abbaye de Northanger.