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Neron impunément ne ſera pas jaloux,

NARCISSE.

Vous ? Et de quoy, Seigneur, vous inquietez-vous ?
Junie a pû le plaindre & partager ſes peines,
Elle n’a veu couler de larmes que les ſiennes.
Mais aujourd’huy, Seigneur, que ſes yeux deſſillez
Regardant de plus prés l’éclat dont vous brillez,
Verront autour de vous les Rois ſans diadéme,
Inconnus dans la foule, & ſon Amant luy-même,
Attachez ſur vos yeux s’honorer d’un regard
Que vous aurez ſur eux fait tomber au haſard,
Quand elle vous verra de ce degré de gloire,
Venir en ſoûpirant avoüer ſa victoire,
Maiſtre n’en doutez point, d’un cœur déja charmé
Commandez qu’on vous aime, & vous ſerez aimé.

NERON.

A combien de chagrins il faut que je m’appreſte !
Que d’importunitez !

NARCISSE.

Quoy donc ? qui vous arreſte,
Seigneur ?

NERON.

Tout. Octavie, Agrippine, Burrhus,
Senecque, Rome entiere, & trois ans de vertus.
Non que pour Octavie un reſte de tendreſſe
M’attache à ſon hymen, & plaigne ſa jeuneſſe.
Mes yeux depuis long-temps fatiguez de ſes ſoins,
Rarement de ſes pleurs daignent eſtre témoins.
Trop heureux ſi bien-toſt la faveur d’un divorce,
Me ſoulageoit d’un joug qu’on m’impoſa par force.

Le Ciel même en ſecret ſemble la condamner.
Ses vœux depuis quatre ans ont beau l’importuner.
Les Dieux ne mõtrent point que ſa vertu les touche :
D’aucun gage, Narciſſe, ils n’honorent ſa couche.
L’Empire vainement demande un heritier.