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Scène II


Hermione, Oreste, Cleone

Hermione



LE croiray-je, Seigneur, qu’un reſte de tendreſſe
Vous faſſe icy chercher une triſte Princeſſe ?
Ou ne dois-je imputer qu’à voſtre ſeul devoir,
L’heureux empreſſement qui vous porte à me voir ?

Oreste

Tel eſt de mon amour l’aveuglement funeſte.
Vous le ſçavez, Madame, & le deſtin d’Oreſte
Eſt de venir ſans ceſſe adorer vos attraits,
Et de jurer toûjours qu’il n’y viendra jamais.
Je ſçay que vos regards vont rouvrir mes bleſſures,
Que tous mes pas vers vous ſont autant de parjures.
Je le ſçay, j’en rougis. Mais j’atteſte les Dieux,
Témoins de la fureur de mes derniers adieux,
Que j’ay couru par tout, où ma perte certaine
Dégageoit mes ſermens, & finiſſoit ma peine.
J’ay mandié la Mort, chez des Peuples cruels
Qui n’apaiſoient leurs Dieux que du ſang des Mortels :
Ils m’ont fermé leur Temple, & ces Peuples barbares
De mon ſang prodigué ſont devenus avares.