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Loire, qu’il essayait de parcourir. Ah ! le temps était loin où ils se disaient, à voix basse, qu’ils avaient été destinés l’un à l’autre depuis leur naissance, car on les avait baptisés devant le même saint : Louis, Louise. Comme cette banalité, cent fois répétée, avait le don, jadis, de les émouvoir !…

La vie continua ainsi, monotone, durant une longue semaine ; Caroline menait le ménage, rognant sur les dépenses habituelles toutes les chatteries glissées par la jeune épousée dans les menus. Louis se rendait le matin aux magasins, traversant la cour sans lever la tête vers la croisée de la petite chambre.

Il recevait les commis-voyageurs et les clients d’un air distrait. Le grand livre, qu’elle apprenait à feuilleter autrefois, l’intéressait moins à présent. Augmenter la fortune ? Pourquoi faire, puisqu’elle ne chantait plus ? Ils avaient acheté un piano dans les enthousiasmes de la lune de miel, et déjà maman Bartau parlait de le revendre, sans perte, car il était encore comme neuf.

Est-ce que la punition n’était pas assez forte ?

Louise avait repris ses bandes de tapisseries, un ouvrage colossal, des fauteuils pour le salon où on n’entrait jamais que le jour de l’an. Elle comptait ses points, le canevas se couvrait de fleurettes multicolores, et le chat, le gros chat jaune qui ne voulait plus la quitter, ronronnait, à ses pieds, dans la corbeille aux pelotons. Louis, de temps en temps, saisi d’une impatience fougueuse, laissait les livres et son bois, il traversait la cour, très vite, comme un homme qui a une chose grave à débrouiller. Il savait que la croisée de la petite chambre, du