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faïence barbouillée de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Çà et là, des portraits de présidents de République décorés par les mouches. La croisée, sans draperie, s’ouvrait sur le panorama charmeur des coteaux à peine essuyés par le soleil levant.

Les jeunes mariés avaient laissé leur valise à l’Hôtel des Voyageurs. Beaucoup d’objets leur avaient manque dans cette nuit étourdissante et peut-être que Louise n’avait pas même eu de camisole à se mettre, ces fameuses camisoles brodées, chef-d’œuvre de maman Bartau, tantôt à roues démesurées, un dessin en rosaces de cathédrale, de bon ton chez les provinciales élégantes, tantôt à petite engrelures de passementerie cotonneuse, me peste pour les peaux délicates. Quant à Louis, il lui avait été impossible de découvrir une brosse, et il gardait, sur lui, la poussière diabolique des tours Prends-garde.

— Ma chérie ! ce n’est pas possible, je voudrais bien ! se décida-t-il, refaisant pour la centième fois le chemin, du carré de choux à l’auberge, oui, je voudrais bien, moi, seulement, il y a notre fortune à soigner. Songe donc, je n’ai pas la trentaine. Est-ce que l’on quitte le commerce à cet âge-là ? Si tu réfléchissais que les Bartau, de père en fils, se sont légué la scierie depuis cent cinquante ans !… Nous pouvons avoir des enfants à notre tour, et maman n’a plus assez de force…

— Elle se marierait avec papa. Est-ce que tu t’imagines qu’ils n’y ont jamais pensé ?… Va donc !… C’est la peur du ridicule qui les tient.

— Oh ! comme tu arranges les familles, toi ! Tu n’as de respect pour rien.