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plus qu’un pan de satin bleu, chatoyant et clair, Bientôt il tonnera… vous aurez peur pour de bon, chère Madame.

— Et je n’ai pas de parapluie ! interjeta Louise qui se laissa presser contre l’épaule du jeune homme.

— Tu ne veux jamais de parapluie parce que tu dis que ça te gêne, bougonna Louis, n’osant pas marcher le long des créneaux et se collant contre le mur, à défaut d’une épaule amie.

— Fi donc ! c’est vulgaire, les parapluies, s’écria le chasseur indigné. Madame a raison, et, d’ailleurs, je ne sais rien de doux comme une averse d’orage, ce sont des aigrettes de fluide électrique qui vous chatouillent la peau sans vous mouiller. Lorsque je suis libre, je m’étends sur le gazon des pelouses et m’abandonne au vent, à la pluie, au tonnerre. Il me semble que c’est à moi qu’on en veut là-haut et cela me rend fier ! N’est-ce pas, Madame, que si vous étiez ici (et il la serrait davantage) vous ne craindriez pas un petit bouleversement de la nature ?

Décidément il s’humanisait, ce garçon.

Alors Louise risqua sur sa personne un examen sérieux, tandis que Louis, navré d’avoir aperçu tout en bas de la tour une charrette, comme un point, tournait le dos. Il ressemblait à son frère, le beau Désambres, sauf le teint ; son nez, moins grand, avait la même forme en bec d’oiseau de proie, ses yeux, magnifiques, très noirs, se dilataient comme ceux des félins, et, derrière des cils de femme, ils n’étaient pas fort timides. Sa bouche, relevée aux coins par la virgule célèbre des bouches païennes, gar-