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plus violent et plus juste. La jeune femme s’élança vers l’agonisant, le sang ruisselait de la blessure, elle écarta son veston, son gilet, sa chemise, elle voulait mettre ses lèvres sur la plaie béante, et mourir ainsi dans une suprême volupté. Soudain, ses cheveux se hérissèrent ; elle frémit de tous ses membres… la poitrine de Marcel Carini était une poitrine de femme.

— Ma maîtresse ! rugit Louis au comble de la stupeur.

Il venait de frapper Marcelle Désambres, sa maîtresse…

Louise s’évanouit. Alors le jeune homme écouta. Personne ne venait. On n’avait rien entendu, les domestiques demeuraient au pavillon, Mme Désambres désirant éloigner tous ses gens de sa chambre à coucher. Non, personne ne viendrait. Il fouilla le boudoir dans tous les coins pour réunir les vêtements de sa femme, il l’habilla comme on habille un enfant endormi, il l’enveloppa de son manteau et s’enfuit par le salon.

Sur la terrasse il se rappela qu’on avait mis une échelle derrière des plantes grimpantes, une échelle dont il s’était déjà servi, il installa Louise en travers de la balustrade, assujettit les deux montants, et descendit, chargé de son fardeau. La jeune femme paraissait roide comme un cadavre… Était-ce Marcelle Désambres ou Louise Bartau qu’il enlevait ? Il ne savait plus, il abattit l’échelle contre les espaliers et se sauva tout affolé. Arrivée près de la grille, Louise s’agita, l’air la ranimait un peu.

— Ma bien-aimée, ma femme ! dit-il d’un ton sourd.