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qui promenait le long de ses tempes une houppe de cygne.

Elle était à présent presque nue vis-à-vis de son miroir, et, comme elle ne se défiait pas du jeune homme, elle continuait sa toilette avec une entière insouciance.

Le cabinet, tendu de taffetas mauve et de dentelles bises, avait un aspect séduisant. Tout empli de violettes naturelles, il exhalait une mystérieuse odeur de femme se mêlant à l’odeur des fleurs fraîches, le lavabo était de marbre noir serti d’argent et un trépied supportait de fabuleux candélabres, des statues de bacchantes agitant des torches. Marcelle, droite, dans une attitude sculpturale, la chemise de batiste retenue seulement par la pression de ses genoux, démêlait ses cheveux bruns magnifiques. Un rictus méchant retroussait sa lèvre : le petit marchand de bois était donc humilié par son or ? Où la dignité allait-elle se nicher ?

— Mon cher monsieur Bartau, reprit-elle, dédaigneuse, j’ai recueilli votre beau-père parce qu’il mourait de faim. Je ne crois pas à sa colle, mais j’aime beaucoup votre femme et je n’ai songé qu’à elle lorsque je lui ai prêté cette minime somme. Je dis prêté pour employer un terme convenable !

— Madame, il vous les rendra demain matin… sur ma caisse particulière. Vous vous moquez de moi… faire une aumône à mon beau-père !… Oh ! non, je m’y oppose, Madame… vous m’entendez ?

La glace refléta une ironique et muette gaieté. Marcelle s’amusait de sa colère. Quel excellent nigaud, ce mari de vingt-sept ans,