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Louise le regardait, ravie.

— Comme tu me plais, ce soir ! dit-elle d’un accent naïf.

Il lui semblait qu’il était l’expression même de toutes ses pensées, l’incarnation de tous ses rêves. Elle l’avait voulu en chasseur, il avait justement son costume de velours brun, avec sa large ceinture de cuir fauve et ses coquettes bottes montantes. Ses yeux lançaient des éclairs extraordinaires. Son grand front pur, auréolé de ses cheveux noirs très courts comme une fourrure lustrée, était plus blanc peut-être que le front de sa sœur et sa chair mate avait un teint plus vivant que la chair un peu fardée de la Parisienne. Il se parfumait toujours, car il était raffiné au delà du possible, mais une senteur de cigarette fine mêlait à son parfum un je ne sais quoi de mêle très troublant.

Elle se mit à gazouiller sur un tas de choses insignifiantes ; il souriait, bien moins moqueur que Mme Désambres, s’intéressant aux catastrophes des Bartau, approuvant les colles du père Tranet, tonnant contre les méchancetés de Caroline. Au dessert ils mangèrent des cerises glacées comme deux gamins. Quelquefois elle les mordait pour les lui laisser voler près de sa bouche. Sans y faire attention, elle buvait du champagne dans sa coupe, et elle en buvait beaucoup.

— Te rappelles-tu Amboise ? disait-il. Tu me croyais fou !

— C’est moi qui suis devenue folle !…

— Mais dépêche-toi donc… je te quitterai vers minuit… et je n’aurai pas le temps de t’embrasser.

— Il faudra me reconduire jusque chez moi !