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Mme Désambres disait que sa solitude lui pesait. Elle ne voulait pas nouer de relations mondaines, sa santé ne le lui permettait plus. Elle avait soif de la vie de famille, et ses frères, travaillant aux réparations du château d’Amboise, venaient si rarement qu’elle pouvait bien périr d’ennui entre leurs visites alternées. Du reste, elle n’aimait que le plus grand, l’autre, celui qui s’appelait comme elle et qui ajoutait son nom de dame à son nom d’homme par plaisanterie, lui ressemblait trop pour qu’elle pût beaucoup le chérir. Il avait tous ses défauts.

— Il est, expliquait-elle à ses nouveaux amis, capricieux, ambitieux, désordonné, presque fou… et d’ailleurs, il devient amoureux de toutes les jeunes filles qu’il rencontre, ce qui me donnerait du désagrément dans une ville rangée comme doit l’être Tours. Du reste, il a les mêmes goûts artistiques, les mêmes volontés que moi, et cela nous gêne… nous nous précipiterions sur le piano ensemble, nous saisirions le pinceau ensemble et nous nous arracherions le même livre. Mon rêve, c’est, après l’existence mondaine que j’ai dû mener à Paris, bien malgré moi, une petite Thébaïde confortable et sans prétention, très ignorée, très silencieuse, avec quelques amis sages ne donnant ni soirées ni dîners extraordinaires. De bons commerçants, par exemple, incapables de me poser des tas de questions sur mon passé ou mon avenir. Je suis veuve, je n’ai pas d’enfants, j’aimerais à devenir une marraine gâtant son filleul, une protectrice pour une jeune femme malheureuse, un conseiller pour des gens dans des peines que mon expérience