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comme un écureuil. On lui expliquait ses idées sans fioritures, il prenait des notes, payait une tournée, levait le coude sans faire de manières. Et on était tout épaté le lendemain de trouver ses idées dans les colonnes imprimées. À Paris, nous appelons ça faire le peuple souverain… Mais ici… pas de réunion d’orateurs. D’abord, personne ne sait boire proprement une consommation avec sa réciproque. On n’en pince pas pour Rochefort, je crois, et, quand on discute, c’est toujours contre des modérés qui ont peur de cracher un mot raide. Je respecte l’opinion d’un chacun, mais, sacré tonnerre ! qu’est-ce que ça fait aux modérés qu’on préfère le pétrole à la bêtise ?

Le docteur sursauta. Caroline haussa les épaules selon son habitude.

— Le pétrole toujours conduit les gens à la faillite, monsieur Tranet, dit-elle de son ton le plus froid.

— Ce qui conduit au pétrole, c’est de voir des hôtels ruisselants de dorure et des femmes couvertes de satin, des aventurières, quoi ! se récria M. Tranet.

Puis, brusquement, il retroussa ses manches.

— Regardez-moi un peu ça, fit-il désignant son moulin à vent raccommodé, regardez-moi ça ! Si j’étais un richard, j’irai trouver le nouveau ministère, et je lui donnerais un pot-devin pour qu’il patronne une manufacture de ce joujou. Ça ne ressemble à rien. Pourtant, avec un capital de cent mille francs, un atelier sérieux où l’on n’embaucherait que des frères sans travail ayant tous l’idée de bousculer un jour le père Grévy, on ferait sa for-