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V

Louise avait mis son petit chapeau neuf, boutonné sa courte confection de drap noir, et, toute satisfaite de cette heure de répit, elle était sortie au bras de son père. M. Tranet, joyeux de promener une jolie femme, étrennait, de son côté, un pantalon solennel.

L’air devenait plus froid, les feuilles, sur le Cours, tombaient lamentablement ; l’on commençait à sentir le premier souffle de l’hiver. Ils s’acheminèrent, tous les deux, de la rue de l’Intendance au bout de la Promenade qui donne en face de la Loire. Ce n’était pas un jour de musique militaire, et ils ne rencontrèrent presque personne, mais ils avaient, quand même, un aspect vainqueur. Tranet menaçait de sa canne tous les moineaux tournoyants dans les feuilles mortes. Louise ne perdait pas un pouce de sa taille. Comme ils se seraient bien entendus, le père et la fille, sans cette famille provinciale qui étouffait leurs élans, comme ils auraient ri des choses drôles qu’on leur faisait voir chez les Bartau !

— Dis-moi, mignonne, demanda Tranet, affectueusement curieux, pourquoi pleurais-tu, hier soir, à table ?